Rédigé par : Will Prakash Fujarczuk
Chercher à impliquer les hommes qui évoluent sur nos campus dans le travail qui vise à y créer une culture du consentement peut être difficile. L’impression qui s’en dégage parfois est que trop d’obstacles se dressent sur cette route : entre ceux qui croient qu’ils ne sont pas concernés par la question ; d’autres qui ne comprennent pas la gravité des problèmes auxquels nous sommes confrontés sur nos campus et, enfin, ceux qui sont timides et qui se sentent vulnérables à travers ces conversations difficiles.
Cette année, j’ai lancé une série de webinaires intitulés « Routes vers le changement » (Blueprints for Change) pour les hommes à l’Université McMaster. Chaque mois, je m’entretiens pendant une heure avec un invité différent à propos d’un aspect particulier de la masculinité. Par exemple, j’ai discuté de la féminophobie dans les communautés d’hommes queer avec le Dr. Adam Davies. Grâce à la participation continue du corps professoral, du personnel, de la communauté étudiante et des diplômés, j’ai eu la chance de voir ce programme devenir l’un des éléments clés du programme éducatif de notre bureau.
Je vous partage aujourd’hui quelques réflexions sur ce programme qui, je l’espère, pourront aider ceux et celles qui cherchent à développer leurs propres initiatives ou programmes pour impliquer les hommes dans la lutte contre la violence sexuelle et genrée sur les campus.
Ne sommes-nous pas en train de parler à ceux qui sont déjà convaincus ?
Cette question revient souvent. Qui va s’inscrire volontairement à ce genre de séances ? Ceux qui bénéficieraient particulièrement de ce genre de programme ne sont-ils pas justement ceux qui ne s’y inscrivent pas ?
Pour le dire simplement, cette distinction entre les « hommes qui ont compris » et les « hommes qui commettent la violence sexuelle » est au mieux inexacte et au pire nuisible. Tous les hommes se trouvent dans une situation où ils bénéficient du patriarcat, mais où ils en subissent également les conséquences. Tous ont à réfléchir, à désapprendre et à guérir.
L’utilisation d’un outil comme celui du spectre des alliés (spectrum of allies) m’a aidé à identifier plus précisément les hommes que je voulais rejoindre à travers le programme de même que les objectifs que je souhaitais atteindre. « Routes vers le changement » vise à rejoindre les hommes qui se trouvent dans les sections « neutres » et « alliés passifs » du spectre afin de les amener à naviguer vers la section « alliés actifs ». En présentant des hommes qui ont déjà fait ce travail, les participants ont accès à des modèles positifs et à des stratégies concrètes qu’ils peuvent mettre en œuvre pour incarner une masculinité plus saine dans leurs propres vies.
Le nom de la série (Blueprints for change, en anglais) a été inspiré par une citation de bell hooks dans The Will to Change: Men, Masculinity, and Love [Le pouvoir de changer : les hommes, la masculinité et l’amour]. On peut y lire « Les hommes ne peuvent changer s’il n’y a pas de routes vers le changement. Les hommes ne peuvent aimer si on ne leur enseigne pas l’art d’aimer. L’amour est vital à la masculinité ainsi qu’à la plénitude spirituelle et émotionnelle que les hommes recherchent [traduction libre]* ». Ainsi, les webinaires du programme servent en quelque sorte de routes (blueprints) pour permettre aux hommes qui y participent de passer de « neutres » ou « alliés passifs » à « alliés actifs ».
* La citation originale en anglais se lit ainsi : “Men cannot change if there are no blueprints for change. Men cannot love if they are not taught the art of loving. Love is vital to maleness, to the spiritual and emotional wholeness men seek”.
Comment faire en sorte que les hommes participent ?
Je retiens deux considérations clés pour impliquer les hommes : (1) identifier le meilleur format pour les activités adressées à leur intention et (2) reconnaître la diversité de la gent masculine.
La série « Routes vers le changement » est offerte par le biais de webinaires tenus sur la plateforme Zoom. Contrairement aux rencontres traditionnelles, les personnes qui participent à un webinaire tenu sur Zoom ne peuvent activer leurs caméras et microphones. Elles ne peuvent pas non plus voir les noms des autres personnes participantes ni le nombre de personnes présentes. L’anonymat de ces webinaires permet aux hommes de prendre part aux séances sans se soucier du fait que leurs collègues, leurs assistants de recherche ou leurs étudiants pourraient y assister également. Il est certain qu’il est souhaitable d’aussi offrir des options qui permettent une implication plus active. À titre d’exemple, les hommes intéressés peuvent s’impliquer volontairement dans notre Cercle d’hommes alliés (Men’s Allyship Circle). Cela dit, il faut reconnaître que le fait de pouvoir participer à la conversation sans prendre d’engagements significatifs peut servir de point de départ à la participation de nombreux hommes en la matière.
Finalement, il est nécessaire de considérer les manières avec lesquelles nous cherchons à rejoindre les hommes qui évoluent sur nos campus dans toutes leurs diversités. On traite souvent les hommes comme s’il s’agissait d’un groupe homogène, alors que la réalité est toute autre ! Les hommes sont cisgenres, transgenres, gays, bisexuels, queers, hétérosexuels, blancs, racisés, etc. Ce sont à la fois des artistes, des athlètes et des universitaires… la liste pourrait se poursuivre longtemps. Puisque les conférences du programme constituent en fait une série, j’ai été en mesure d’explorer cette diversité avec différents intervenants dans des conversations portant sur des sujets vastes et variés, tels que « Célébrer les masculinités trans hors des traits associés à la masculinité toxique » ou « La masculinité dans le sport ». Chercher à faire en sorte que chaque webinaire soit pertinent pour tous les hommes du campus me mènerait directement à l’échec. En proposant un large éventail de sujets, les hommes peuvent choisir de participer aux séances qui les interpellent le plus.
« Routes vers le changement » est rapidement devenu l’un de mes programmes préférés. J’ai hâte de poursuivre son développement et de développer de nouvelles stratégies pour impliquer les hommes en cours de route !
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Référence suggérée : Fujarczuk, Will Prakash. (2022, Février). Réflexion sur « Routes vers le changement : série de conférences pour une saine masculinité », Le courage d’agir. couragetoact.ca/blog/routes-vers-le-changement.
Will Prakash Fujarczuk
Pédagogue enthousiaste guidé par la pédagogie critique, le féminisme intersectionnel et les perspectives anti-oppressives, Will agit à titre de coordonnateur de l’éducation préventive en matière de violence sexuelle au sein du bureau de l’équité et de l’inclusion de l’Université McMaster. Il est aussi membre du comité aviseur LGBTQ de la Ville d’Hamilton, formateur qualifié safeTALK en ce qui concerne la vigilance face au suicide pour LivingWorks, guide de randonnée certifié par Hike Ontario et membre du conseil d’administration de Student Open Circle. Il est titulaire d’un baccalauréat en biologie de l’Université McMaster, d’un baccalauréat en éducation de l’Université Western Ontario de même que d’une maîtrise en pédagogie de la paix de l’Université de la Paix des Nations Unies.