6 manières de collaborer avec les organisations communautaires

6 manières de collaborer avec les organisations communautaires qui travaillent sur la question de la violence fondée sur le genre pour les établissements d’enseignement postsecondaire

Rédigé par : Farrah Khan et Kelsy Vivash

Alors que la présente année académique est marquée par le fait que nos « campus » se déploient dans l’espace numérique, il est important de considérer les différences qui surviennent dans les manifestations associées à la violence fondée sur le genre et d’adopter nos efforts de prévention en conséquence. Pour y arriver, il nous semble essentiel de bâtir des relations de collaboration avec les organisations communautaires qui œuvrent en matière de prévention et d’intervention en lien avec la violence fondée sur le genre. À titre d’exemple, il peut s’agir de centres pour les personnes victimes et survivantes d’agressions sexuelles, de maisons d’hébergement pour femmes, de groupes de femmes autochtones ou encore de groupes de défense des personnes LGBTQIA2S+. En effet, l’objectif que nous partageons tous et toutes de mettre un terme à la violence fondée sur le genre nécessite une collaboration soutenue entre les organisations communautaires et les établissements d’enseignement postsecondaire. Ci-dessous, nous avons identifié pour vous 6 manières différentes par lesquelles votre établissement d’enseignement postsecondaire peut collaborer avec les organisations communautaires de votre région.

1. Créer un partenariat formel avec une organisation communautaire locale qui œuvre dans le secteur de la violence fondée sur le genre :

Les campus et les organisations communautaires permettent de répondre à différents besoins que peuvent exprimer les personnes membres de la communauté de votre établissement d’enseignement supérieur. Une collaboration entre les deux permet d’offrir un filet de sûreté plus solide et une gamme de services complémentaires. Partout au Canada, des établissements d’enseignement postsecondaire choisissent de développer des protocoles d’entente avec des partenaires communautaires pour faciliter et formaliser cette collaboration. Le protocole d’entente pourrait, par exemple, permettre la présence de membres du personnel de l’organisation communautaire sur votre campus pour fournir des conseils ou orienter vers les différents services offerts dans la région. Évidemment, il faut également prévoir de quelle manière l’organisation sera consultée et rémunérée dans le cadre du partenariat. Pour certains établissements d’enseignement supérieur, particulièrement ceux de plus petite taille, il est possible que la présence d’une personne ressource issue du milieu communautaire soit nécessaire chaque semaine pour permettre aux personnes victimes et survivantes d’avoir accès à du soutien régulier au cours d’un processus de plainte, par exemple. L’une des organisations communautaires que notre équipe a consulté expliquait que l’implication du milieu communautaire pouvait notamment permettre d’éliminer la présence de conflits d’intérêts en agissant à titre de tierce partie lorsque « la personne qui serait habituellement chargée de recueillir une divulgation ou d’offrir du support est impliquée d’une manière ou d’une autre dans le processus d’enquête qui s’ensuit » (Propos recueillis durant une séance Écouter pour apprendre — Organisme de lutte contre la violence fondée sur le genre).

2. Comprendre la capacité des organisations communautaires locales qui œuvrent dans le secteur de la violence fondée sur le genre :

Afin de bâtir des relations solides entre les campus et les organisations communautaires de prévention et de lutte contre la violence fondée sur le genre, il faut chercher à établir une collaboration en continu qui soit respectueuse. Il est souhaitable que les établissements d’enseignement postsecondaire communiquent régulièrement avec les organisations locales, notamment lors de l’élaboration de nouvelles politiques, afin de s’assurer que la manière dont on les inclut dans celles-ci est réaliste : « De nombreuses universités nous consultent souvent, mais parfois elles inscrivent des références à nos services à même leurs politiques sans nous en aviser. Elles nous réfèrent donc des personnes pour des services spécifiques, mais ne vérifient pas si nous offrons réellement ces services ou si nous avons la capacité d’accueillir une clientèle supplémentaire » (Propos recueillis durant une séance Écouter pour apprendre — Organisme de lutte contre la violence fondée sur le genre). Ainsi, en plus de les inclure dans les discussions au sujet des politiques de l’établissement, il est essentiel de vérifier auprès des organisations communautaires les services qu’elles offrent réellement et de s’enquérir de leur capacité à les déployer. Les établissements d’enseignement postsecondaire devraient s’assurer que les organisations auxquelles ils réfèrent des membres de leur communauté sont en mesure d’offrir le soutien espéré avant de les y diriger. Il arrive que les organisations communautaires aient une longue liste d’attente ou même qu’il ne leur soit plus possible d’accueillir de nouvelles personnes pour le moment. En manque de financement, les moyens limités de bon nombre de ces organisations sont déjà dépassés par l’importante demande. Il est nécessaire d’explorer des moyens de rémunérer les organisations communautaires lorsqu’elles offrent de leur temps pour participer à des comités ou offrir des conseils. Il nous est également possible de soutenir leurs efforts pour obtenir le financement nécessaire au déploiement de leurs activités. Notre travail de prévention auprès de l’ensemble des communautés qui composent nos campus aide aussi à éviter que ces organisations ne soient surchargées.

3. Inclure les organisations communautaires dans l’élaboration et la révision des politiques :

Les organisations communautaires canadiennes sont à pied d’œuvre depuis de longues et nombreuses années pour éduquer la population au sujet de la violence fondée sur le genre de même que pour défendre les droits des personnes victimes et survivantes ainsi que leur offrir du soutien. Elles peuvent donc offrir aux établissements d’enseignement supérieur des conseils forts utiles qui pourront guider leurs réflexions lors de la création, de la révision ou de l’évaluation des politiques et des procédures en place pour lutter contre la violence fondée sur le genre. Les établissements d’enseignement supérieur gagnent à rechercher des informations auprès de ces organisations dès le début de ces processus afin de s’assurer que leurs politiques soient éclairées par l’expertise des personnes qui travaillent en première ligne. Au cours de nos séances d’écoute et d’apprentissage, les organismes communautaires qui œuvrent dans le secteur de la violence fondée sur le genre nous ont partagé les moyens qu’elles avaient déployés pour aider les établissements d’enseignement supérieur à modifier leurs politiques. Par exemple, une organisation a travaillé avec des partenaires sur le campus pour plaider en faveur de l’adoption d’une clause d’immunité, une première étape importante afin de créer un espace sécuritaire pour recueillir les dévoilements des personnes victimes et survivantes : « Si quelqu’un signale une agression sexuelle dans un contexte de consommation d’alcool ou de drogue dans les résidences – une action qui, autrement, recevrait potentiellement une sanction – on doit prévoir une immunité lorsqu’une personne dénonce une agression sexuelle » (Propos recueillis durant une séance Écouter pour apprendre — Organisme de lutte contre la violence fondée sur le genre). Les établissements d’enseignement supérieur doivent faire en sorte que, fondamentalement, leurs politiques ne soient pas nuisibles pour les personnes victimes et survivantes. Dans les discussions qui entourent l’élaboration de ces politiques, « il devrait toujours y avoir une préoccupation à ne pas avoir de politiques qui créent des traumatismes ou de la revictimisation ». En pratique, cela peut notamment faire en sorte d’étendre le champ d’application des politiques pour qu’elles s’appliquent à la communauté étudiante, aux membres du personnel et au corps enseignant. On peut également s’assurer que les personnes qui déposent des plaintes en matière de violence fondée sur le genre le font en toute connaissance de cause en considérant pleinement l’impact que cela peut avoir sur elles.

4. Travailler avec les organisations communautaires pour que votre établissement soit préparé, non pas si la violence survient, mais quand elle surviendra :

La mise en place de partenariats permet aux établissements d’enseignement supérieur de tirer parti des décennies d’expérience des organisations communautaires locales en matière de lutte contre la violence fondée sur le genre. Ils peuvent ainsi déployer de manière proactive des mesures de prévention, d’éducation, de formation et de soutien. Au cours de nos séances d’écoute et d’apprentissage avec les organisations communautaires qui œuvrent dans le secteur de la violence fondée sur le genre, celles-ci ont noté une augmentation des références acheminées à leurs services à certaines périodes de l’année, notamment en début d’année académique. Les activités d’accueil et d’intégration « peuvent engendrer des défis face à la culture [du consentement] qu’on souhaite créer sur les campus » (Propos recueillis durant une séance Écouter pour apprendre — Organisme de lutte contre la violence fondée sur le genre). Planifier le tout à l’avance à l’aide des organisations communautaires, les consulter au sujet de la programmation et de la prestation de services de même que les aviser des événements tenus sur le campus les aidera à se préparer adéquatement.

5. Offrir des opportunités locales pour effectuer de la recherche, développer des partenariats et déployer la programmation :

Les établissements d’enseignement supérieur devraient mettre à profit leurs propres ressources au bénéfice des organisations communautaires, notamment en fournissant des locaux pour la tenue d’événements, en offrant des opportunités de formation et de développement professionnel aux membres du personnel de ces organisations, par le biais de stages étudiants ou encore en postulant conjointement pour obtenir les fonds nécessaires à la réalisation de projets de recherche innovants. Il faut trouver des moyens de communiquer de manière transparente avec les organisations communautaires de sorte que les partenariats développés soient mutuellement avantageux. Le tout peut notamment se faire en faisant preuve de proactivité dans le développement de liens et de relations avec les organisations locales. Alors que les budgets sont souvent utilisés à pleine capacité, ces partenariats peuvent aider à élargir et à renforcer le travail des organisations communautaire, ce qui profite à toutes les personnes engagées pour mettre un terme à la violence fondée sur le genre.

6. S’engager à lutter contre la violence fondée sur le genre au sein de la communauté au sens large :

Il est essentiel que le travail de prévention effectué sur les campus s’aligne avec les efforts réalisés en la matière au niveau local et national. Pendant des décennies, les organisations communautaires de partout au Canada ont créé des rapports, des campagnes, des recherches, des services et des programmes permettant de lutter contre la violence fondée sur le genre et de chercher à la prévenir. Ce travail essentiel informe et renforce les efforts déployés par les établissements d’enseignement postsecondaire. Il est donc nécessaire que ceux-ci reconnaissent, affirment et amplifient les appels à l’action lancés par les organisations communautaires qui visent à s’attaquer aux systèmes qui permettent à la violence de se poursuivre. On pense en outre à la mise en œuvre de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, à l’offre de services communautaires pro-trans et à la fin des mesures d’austérité qui réduisent le financement de services essentiels tels que les centres d’aide aux personnes ayant subi une agression sexuelle ou les refuges pour femmes. Comme une personne faisant partie de la haute direction de son établissement d’enseignement postsecondaire l’a mentionné lors de l’une de nos séances d’écoute et apprentissage : « Il n’est pas possible de travailler de manière isolée lorsque l’on souhaite s’attaquer à la problématique des violences genrées – nous œuvrons dans un environnement très complexe où les efforts déployés sont entrecroisés, tels que ceux qui visent les filles et les femmes autochtones disparues ». Nos campus sont connectés à leurs communautés élargies et notre travail pour mettre un terme à la violence genrée doit se faire de manière coordonnée et explicite.

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Référence suggérée : Khan, Farrah., & Vivash, Kelsy. (2021, Février). 6 manières de collaborer avec les organisations communautaires qui travaillent sur la question de la violence fondée sur le genre pour les établissements d’enseignement postsecondaire. Le Courage d’Agir. www.couragetoact.ca/blog/maniresdecollaborer