Avec Emily Allan, Directrice des communications chez Possibility Seeds
Dre Jiselle Griffith est une docteure naturopathique qui assiste les personnes confrontées à des problèmes de santé liés au burnout et au dérèglement du système nerveux. Nous sommes ravi·e·s de découvrir son point de vue sur l’auto-soin pour ce blog.
Parlez-nous un peu de vous – comment êtes-vous arrivée dans ce domaine, et qu’est-ce qui vous y a motivé?
Je m’identifie comme une femme cis et Noire qui pratique la médicine naturopathique, l’acupuncture et le reiki comme personne issue de la colonisation sur les territoires traditionnels des peuples Neutres, Wendat, de l’Erie, des Haudenosaunees et de Mississauga sur l’Île de la Tortue.
Dans ma vie antérieure comme spécialiste en communications pour un grand syndicat, mon travail était intimement lié à la lutte pour la justice sociale et l'équité. Malheureusement, l’épuisement physique, mental et émotionnel était un aspect inévitable de la culture du travail, et c'était parfois considéré comme une marque d'honneur de le subir. J'ai quitté ce métier, car je commençais à me sentir mal. Il m'est devenu évident que je n’étais pas en mesure de démanteler de l'intérieur les systèmes oppressifs qui pesaient souvent sur mon travail syndical. Il n'était pas viable pour moi de me surmener dans la poursuite de mon rêve de contribuer de manière significative à la justice sociale.
Mes ancêtres, ainsi que les enseignements de la nature et de la science, m'ont guidé vers le maintien d'un espace pour d'autres personnes confrontées à des problèmes similaires. L’objectif de ce soutien est de favoriser la guérison et la paix intérieure pour ensuite mener à la symbiose avec les autres.
Selon vous, quelles sont les principales causes du stress et de l’épuisement professionnel ?
L'influence du capitalisme sur les structures sociétales et les institutions dans lesquelles nous vivons en est la principale. Cela nous inculque profondément la mentalité du profit et de la productivité au détriment des individus et de l’environnement. Ce qui rend cette idéologie plus néfaste encore est le lien intrinsèque entre le capitalisme et d'autres systèmes d'oppression tels que le patriarcat, le racisme, l'homophobie, [l'hétérosexisme, le cissexisme] et le capacitisme. Par conséquent, ce sont les personnes touchées par ces formes de marginalisation qui courent le plus grand risque d’épuisement.
En y réfléchissant bien, l’épuisement professionnel est le reflet de l'idée que notre productivité est un indicateur de notre valeur. En conséquence, nous cessons de nous reposer, de restituer notre énergie et de nous remettre du stress que nous impose le travail. Cela provoque alors plusieurs indices de l’épuisement professionnel : l’épuisement physique et/ou émotionnel, la diminution de l'empathie, l’augmentation du cynisme et la diminution du sentiment d'accomplissement professionnel.
Comment l’auto-soin peut-il nous aider dans une culture ou un domaine qui banalise l’épuisement physique ?
Malgré des petites variations ici et là, chaque jour est un ensemble d’habitudes et de moments répétitifs– et ces habitudes et moments aboutissent à une vie. En priorisant davantage l’auto-soin, cela crée de l’espace pour réfléchir sur les habitudes qui nous servent, et celles qui ne fonctionnent pas pour nous. À son tour, cette réflexion nous permet de reprendre contact avec notre respiration et notre monde intérieur, afin de favoriser la prise de conscience de nos capacités émotionnelles, physiques et spirituelles. Cela nous amène à reconnaître les domaines desquels nous devons nous retirer, concentrer davantage d'énergie ou trouver une toute nouvelle direction pour soutenir ces capacités. L’auto-soin nourrit une relation avec notre personne et nous encourage à nous éloigner des maux intériorisés, de nous réacheminer vers nos besoins et finalement, de nous inciter à faire un pas vers l’amélioration de notre vie.
Quels obstacles identifiez-vous pour les travailleur·se·s en matière de violence genrée quant à la priorisation de l’auto-soin, que ce soit sur le plan individuel ou structurel ?
Comme intervenant·e·s de première ligne, les travailleur·se·s en matière de violence genrée peuvent avoir des difficultés à reconnaître quand le repos ou une charge de travail allégée est requise afin d’éviter des problèmes de santé physique ou émotionnelle. Reconnaître ses propres besoins peut sembler difficile ou inéquitable, car ces travailleur·se·s ont souvent l'impression que les besoins des personnes survivantes sont plus immédiats ou plus pressants que les leurs.
Pour le personnel de première ligne qui vit des expériences teintées par de multiples formes de marginalisation ou de multiples identités (telles que le racisme, la violence genrée, le capacitisme et la queerphobie), il est encore plus difficile de faire entendre nos voix en ce qui concerne la priorisation de l’auto-soin. Les représailles suite à une diminution de la capacité de travail sont d’ailleurs plus facilement observées et plus conséquentes pour ce sous-groupe de personnel. Le démantèlement de ces obstacles systémiques, institutionnels et intériorisés permettrait à l’auto-soin d'inspirer la véritable guérison pour les travailleur·se·s de première ligne.
Pour conclure, avez-vous des trucs, des astuces ou des conseils quant à la priorisation de l’auto-soin quotidien ?
Bien que l’auto-soin n'ait pas encore, en soi, démantelé les systèmes d'oppression évoqués, il s'agit d'un point de départ qui nous permet de nous montrer présent·e·s pour nous-mêmes comme nous le faisons pour les autres. Soyez doux·ce avec vous-même sur le chemin de ce bouleversement en adoptant un mode d'activité physique quotidien, en vous hydratant régulièrement, en pratiquant la respiration profonde, en passant du temps en plein air et en revenant à vous, quelle que soit la manière dont vous le faites.
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Citation suggérée : Le courage d’agir. (Novembre 2022). Une conversation sur l’auto-soin avec Dre Jiselle Griffith, D.N. Courage to Act. www.couragetoact.ca/blog/jiselle-griffith-fr.